lundi 28 janvier 2019

Au milieu de notre confusion

Corps plein, corps unifié, corps et esprit UN.




M° Dogen écrit dans le chapitre Roi des Samadhis, du Shobogenzo :

«  Comme le soleil 

 illumine et rend le 

monde neuf, la 

méditation assise 

(zazen) ôte 

l'obscurité de notre

esprit et éclaire 

notre corps, si 

bien que la fatigue 

est mise de côté ».









 Voilà une description parfaite de nos vies trop 

remplies.



De plus, il ajoute : «  Rassemblez vos pensées qui 

vous distraient, et votre esprit dispersé à l’intérieur 

de votre zazen. Il gardera votre coeur et votre esprit 

de l’agitation.  »



Ce n’est pas rien d’avoir une fondation dans notre 

vie quotidienne qui permette «  au singe et au 

cheval*  de faire un pas en arrière et de se tourner 

vers l’intérieur », nous permettant ainsi de faire 

l’expérience de la clarté de l’esprit lorsque les 

émotions qui nous agitent sont calmées.




Cela ne veut pas 

dire que nous 

n’ayons plus de  

sentiments 

profonds, ni que 

nous devenions 

capables d’éviter 

les conditions 

extérieures, ou 

intérieures, 

qui nous troublent ou nous contrarient 

habituellement.




Au contraire, M° Dogen pense que nous devons faire 

un effort pour englober tout ce qui vient dans notre 

vie, sans réserve, comme tout ce qui se passe dans 

notre méditation : « Lorsque vous êtes 

complètement présent, là où vous êtes n’est plus 

large ni étroit, vous êtes libérés des limites. »






Être complètement présent dans une situation que 

nous n’avons pas crée, que nous ne pouvons pas 

contrôler, établit une base mentale et émotionnelle 

stable au milieu de la confusion dans laquelle nous 

vivons le plus souvent…




* Le singe qui essaie d’attraper tout ce qu’il voit, le cheval qui galope dans tous les sens sont deux images pour décrire notre esprit...Arrêtez-vous un instant, regardez votre esprit...vous en verrez la justesse !

dimanche 20 janvier 2019

Birmanie : au nom du Bouddha… ?




Nous avons tous été choqués et horrifiés lorsque les premières images de ce qu’on peut appeler le génocide des Rohingas sont arrivées, et que nous avons appris qu’il se faisait au nom du bouddhisme.
 

Nous nous sommes interrogés, nous avons été interrogés, et nous n’avions pas de réponse. Comment peut-on tuer au nom de paroles telles que «  Car la haine ne peut jamais être vaincue par la haine, seulement par l’amour... »
 

A chercher dans les textes, nous savions bien qu’on ne peut y trouver le moindre mot justifiant une tuerie, ni même l’idée de l’« autre », car où s’accrocherait elle dans un univers dont le mot-clé est «  interdépendance »… ?
Alors j’ai cherché, j’ai lu, j’ai essayé, non pas de comprendre les actes inacceptables, mais de comprendre comment une telle idée avait pu se former. 





Et il faut remonter au passé, là sont les racines du présent :

Au 19 ème s. la Birmanie devient une colonie britannique, annexée à l’Inde. Le mouvement nationaliste birman va lutter en s’appuyant sur le modèle fasciste et guerrier du Japon du début du 20ème s.  Ce parti va construire une pensée nationaliste ( et xénophobe, ce qui va souvent ensemble) pour rassembler tous les birmans contre l’occupation anglaise .

L’armée pour la libération de la Birmanie, formée en grande partie dans le Japon militariste des années 1930,  s’allie à ce pays contre les Anglais pendant la 2ème guerre mondiale. En 1948, la Birmanie redevient indépendante, mais ce sont des années de guerre civile entre partis, et l’armée, renversant le gouvernement élu, prend le pouvoir en 1962.*

Répression, rebellions, emprisonnements, travail forcé, arrestations de moines et de journalistes, déclin de l’économie...jusqu’en 2012 où débute une fragile démocratie. Mais la situation des minorités, Rohingas, Karens, Kachins, Môns, Shan ne s’améliore pas. La structure nationaliste mise en place au 20ème s pour lutter contre la colonisation est toujours présente, elle sert de point de rassemblement à tous les gouvernements pour « souder » les Birmans autour de lui.

On en arrive à un faux syllogisme effarant :
Tous les birmans sont bouddhistes,
tous ceux qui ne sont pas bouddhistes
ne sont pas birmans.

Bien sûr ça nous rappelle  d’autres choses, d’autres pays, hélas...Erdogan en Turquie, le Parti Nationaliste Hindou en Inde, et d’autres pays encore, plus près de nous,
...Comment contrer cela ? Tout ce que nous ( bouddhistes non-birmans, pire occidentaux, anciens colonisateurs) pourrons écrire n’aura pas de prise sur ce « raisonnement » puisque ce n’est pas de « bouddhisme » qu’on parle là, mais de nationalisme. Nationalisme religieux, qui assimile une identité religieuse à un pays, une terre.
 




Nous voyons trop souvent le nationalisme se répandre dans tous les pays, y compris en Europe, c’est la base de tous les rejets : «  Ceux qui n’ont pas la peau de telle couleur...un nom qui sonne comme nous… »
Voici ce que l’on peut entendre ou lire dans les journaux : «  Ces musulmans Rohingas traversent subrepticement la frontière, leur nombre augmente, ils diluent la population bouddhiste et forme l’avant-garde d’une croisade pour tourner le Myanmar ( la Birmanie) en un pays musulman ( ... )  Si la culture bouddhiste disparaît, alors Rangoon ( la capitale) deviendra comme la Mecque... »
 

Et nous avons entendu d’autres discours semblables, ici même...

Birmanie : alors que faire ? Oui il y a quelque chose à faire, même si encore une fois le bouddhisme n’est là que comme référent identitaire et pas du tout comme religion, paroles du Bouddha, Enseignements. Il n’empêche. Le nom du Bouddha est prononcé, nous sommes concernés. Il n’empêche : nous sommes concernés face à tous les crimes, meurtres, violences, où que cela se passe, en quelque nom que ce soit.

Pour en savoir plus : :
 

https://www.lionsroar.com/what-does-buddhism-have-to-do-with-the-ethnic-cleansing-in-myanmar/
 

Et pour aider :

https://www.amnesty.fr/conflits-armes-et-populations/petitions/au-myanmar-les-rohingyas-y-sont-cibles-en-raison-de

ou https://www.amnesty.fr/conflits-armes-et-populations/petitions/au-myanmar-les-rohingyas-y-sont-cibles-en-raison-de

en anglais, très complet:   https://www.partners.ngo/take-action/rohingya-refugee-crisis

Bien sûr, il s’agit de donner, mais aussi de signer une pétition, en clair de bouger, et de dire que nous ne resterons pas sans rien faire devant cette misère, parce que comme l’a écrit Shantideva :

«  Tant que demeurera l’espace, tant que demeureront les êtres sensibles
puissè-je moi aussi demeurer pour soulager les malheurs du monde.. . »      
 


Lulena





*https://www.ritimo.org/Chronologie-et-histoire-recente-de-la-Birmanie



Illustrations:  différentes formes d'Avalokiteshvara, bodhisattva- qui - écoute-les -cris-du-monde, bodhisattva de la compassion. 

Oeuvres de Chen Shao Kuan, Musée de la Dent de Bouddha, Singapour

mardi 15 janvier 2019

Ombre dans la nuit

      Presque rien : une lumière coulée de lune qui caresse les cailloux de la cour et allonge les arbres - puis recule, s'efface, s'ombre dans la nuit...


       Que les mots sont lourds, que l' encre est noire pour les inscrire sur la page, figés, abandonnés ; que la main est maladroite pour décrire ce qui affleure, appeler ce qui n'est pas, ou si peu, ou déjà effacé .
 Ce cœur, ce cœur si banal, si vain, voilà que tout à coup, comme touché d'un souffle, pâle vapeur dans le ciel gris – comme caressé d'une aile, hésitante encore, papillon à peine éclos mais plein de promesses de midis, d'éblouissements et d'ivresses – à peine, à peine imperceptible, cette légère palpitation, à l'improviste – et qui fait basculer notre vie, qui déchire les apparences, et brise nos faux-semblants, notre sécurité grise, tout ce qui pèse comme pierres à la bouche d'une source.
     
    Pourtant, nous avions chanté, et ri, et prié, et cherché sur tant de chemins, et parfois été aveuglés par la grande lumière.

     Mais rien, rien d'aussi bouleversant que cet instant de pur silence, d'attentes suspendues – un si petit mouvement du cœur ! Moins qu'un écho dans la poitrine d'un oisillon, plus qu'un éclair qui ouvrirait le ciel.

   
 Le silence peut-il frémir d'un murmure ?

   Ce presque rien, vol, envol, perte totale, aube aveugle – vécu sans résistance.
Cet abandon, plus profond qu'une blessure, plus terrifiant que la nuit - joyeux, immédiat, entier -

Lulena




à la brève rose du ciel d'hiver
on offre ce feu de braises
qui tiendrait presque dans la main...
(cela ne veut rien dire, disent-ils, cela ne guérit rien,
ne sécherait même pas une larme...)
pourtant – voyant cela, pensant cela-
le temps d'à peine le saisir,
d'à peine être saisi
n'avons-nous pas , sans bouger,
fait un pas
au-delà des dernières larmes ?
 
Jacottet




mardi 8 janvier 2019

Sea Watch: 32, Sea Eyes: 18...

 
 SEA WATCH  : 32   SEA EYES: 18....




2 bateaux d'une ONG allemande

50 personnes à bord de 2 bateaux qui ne peuvent aborder nulle part...

50 personnes: 50 migrants, 50 hommes, femmes et aussi enfants qui viennent chercher sécurité et travail...


Europe: au 1er janvier 2018, la population de l'Union européenne à 28 États membres comptait 512,6 millions d'habitants selon Eurostat

Cette nuit, j'ai fait un rêve. J'avais passé une de ces journées entre lumière et ombre, quand les nuages poussés par le vent qui nous arrive tout fringuant des hauts plateaux dessinent des paysages contrastés sur les grandes prairies et, les obscurcissant un moment, anticipent le sombre des grands sapins en hiver. Puis le ciel se dégage et l' on se reprend à croire que les belles journées cette fois-ci, pourraient durer indéfiniment...

Nous avons nettoyé le potager, ramassé des branches mortes et les derniers glaïeuls. Nous avons discuté et ri, je ne sais plus pourquoi, par simple amitié peut-être, pour le plaisir d'être ensemble dans la beauté du jour; puis ce fut une soirée de recueillement derrière les murs épais qui nous protègent des peurs de la nuit.

Dans mon rêve, je me retrouvai sur une plage: j'en fus ravie; au fin fond de mes montagnes, j'ai parfois la nostalgie du bruit des vagues, de ce murmure incessant que je crois parfois retrouver dans le chant des pins dansant dans le vent. 
Une  belle plage blonde, avec parfois un petit amas de rochers pointus avançant dans l'eau, pour nous rappeler qu'ici aussi la nature peut être belle et féroce à la fois.

Je contemplais avec un ravissement presque hypnotique le scintillement de la mer, ombre et lumière au rythme des flots, quand il me sembla discerner des formes sous la surface, formes sombres se balançant doucement, de plus en plus nombreuses alors que le bruit des vagues, devenu fracas menaçant, emplissait mes oreilles.

Je fis quelques pas, dépassant la limite d'algues et de coquillages des hautes eaux  et  plissai les yeux pour mieux voir sous l'éclat du grand soleil, qui maintenant me brûlait la nuque, desséchait ma gorge, semblait happer toute l'eau de mon corps pour n'y laisser que les tendons et les os. Et je les vis.

Yeux grands ouverts, mains tendues, ils étaient là; jeunes hommes aux larges épaules prêts à toutes les tâches; femmes à la fine silhouette, dont certaines ça et là parmi elles soutenaient leurs ventres, mains posées avec tendresse sur la vie à venir; des enfants aussi, des tout-petits, et des gamins qui auraient dû être en train de jouer dans une cour de récréation avec délice, avec ces rires qui toujours réveillent la joie dans notre coeur; et quelques vieillards aux traits marqués de trop de fatigue, de trop de chagrins.

Ils étaient tous là, visages clos, sans larmes ni colère; juste là devant moi, tous ceux qui ont disparu en mer, noyés, étouffés, assassinés; morts de soif, de misère  et de souffrances. Ceux qui se sont embarqués sur des rafiots qui prenaient l'eau et ont disparu sans trace à des centaines de kilomètres de cette plage; ceux qui sont presque arrivés, après des jours d'angoisse, mais ne connaissaient ni les courants, ni les rochers, et leurs corps ont disparu dans les profondeurs de l'océan; enfin ceux qui arrivent trop tard, dont les corps sont rejetés sur cette belle plage...

Ils sont tous là, devant moi.

Et voilà un enfant, avec cette soudaineté des rêves; les pieds dans les vagues, arrière-petit-fils, peut-être, venu d'un futur qui me restera inconnu, il regarde avec intensité ces corps qui flottent. 
Il me prend la main, me tire un peu dans l'eau, les vagues mouillent mes pieds nus, et se tourne vers moi. 
Il me regarde, de ce regard clair d'enfant qui ne tolère pas le mensonge et me demande: 

«Savais-tu? ».


Et je ne peux que baisser les yeux de honte.



heureusement il y a aussi 
"les Hebelgeuses":


https://m.youtube.com/watch?v=ThS23IGDncU&feature=youtu.be

jeudi 3 janvier 2019

Quand les âmes se font chant

Tant que parle la voix, notre regret

Sera ce qu'à temps nous n'aurons pas fait :

Ce que des vivants nous n'aurons pas vu,

Ce qu'aux mourants nous n'aurons pas dit.

Vallon désert à la source tarie,

Vieil olivier au double rejeton...

Chante un coucou. Qui l'entend? Qui lui répond?

Quand les âmes se font chant

C'est le titre d'un très beau livre de méditation qui réunit 50 poèmes de François Cheng et les œuvres d'art de Kim En Joong



La fin d'un blog

     Impermanence et changement...    pas facile parfois... la fin de ce blog depuis avril 2012, pour moi, un espace de liberté, un espace d...