D’abord il y a Bassho, l’incontournable, le marcheur, tout dans la tension entre joie et douleur, haïku- Bassho, toujours
Ce jour si long-
trop court encore
pour le chant de l'alouette!
Viens
allons voir la neige
jusqu'à nous ensevelir.
Mais aussi, instant-sensation attrapé au vol:
Ce mur quelle fraîcheur
contre la plante de mes pieds
pendant la sieste
Et il y a les haïkus cerisiers-en-fleurs, lune d’automne, instant fugace, classiques mais beaux quand ils sont réussis, sinon disons haïku-planplan, je les aime beaucoup, tous.
Au papillon je propose
d'être mon compagnon
de voyage.
Shiki
Dans le prunier blanc
la nuit désormais
se change en aube
Busson
Les feuilles tombent
sur les feuilles-
la pluie tombe sur la pluie
Gyodai
Et puis les haikus extasiés devant toutes les fonctions naturelles, le haiku pet-pipi-caca, disons haïku qui pue- non sans humour parfois, pourquoi pas!
Juste en dessous
du ruissellement de la pisse:
des iris
Issa
Au Bouddha
Au Bouddha
je montre mes fesses
la lune est fraîche !
Shiki
Shiki
Même
lorsque mon père se mourait
je pétais.
Sokan
Première neige
un sacré trésor
ce pot de chambre!
Issa
Sa Grandeur l’Abbé
Faisant sa grosse commission
Sur la lande fanée.
Faisant sa grosse commission
Sur la lande fanée.
Buson
Enfin il y a depuis le 19ème siècle les haïkus des femmes, qui parlent avec simplicité et crûment de leurs corps, de leurs sensations, des seins, du ventre et du sang; je les appellerai les haïkus qui mordent; car ils déchirent en quelques mots des visions, vision de poésie immatérielle, vision de corps lisses et purs, vision de femmes intemporelles.
Disséquant l'abdomen
de la Vierge Marie
utérus vaguement rouge
un soir d'été
Ei Akitsu
Le trottoir d'asphalte
déchiré: et voilà
une autre homo sapiens
avec les seins gonflés
Ei Akitsu
Le vent souffle, les bosquets de bambous frémissent-
Ah, les femmes marchant
avec leurs ovaires suspendus
qui crient à l'intérieur.
Ei Akitsu
Mon fils m'attend
de l'autre côté de la rue.
Je vais probablement vieillir
avec cette distance entre nous.
Yuko Kawano
Soudain montant de mes seins,
cachée pour me protéger
du gaz lacrymo:
odeur de citron.
En pleine nuit
rentrant épuisée de l'interrogatoire
- mes règles qui coulent comme une rage.
Marcher dans la rue
avec mes bas tout déchirés, d'où vient
tout ce malheur?
Ei Akitsu
Je donne le sein
brûlé par la bombe A
à mon bébé brûlé aussi
Masako Kawakami
Paroles du Japon Albin Michel
Haiku Anthologie du poème court japonais Poésie Gallimard
Issa et pourtant, et pourtant Moundarren
A Long Rainy Season Rock Spring Collection ( trad. Lulena)
Sornettes.free
Photos: Lulena, Christina
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