dimanche 21 mai 2017

Au soleil de la gentillesse

Au soleil de la gentillesse    
 



C’est dimanche, c’est soleil, c’est marché. On se presse, on se bouscule dans les allées étroites ; on traîne devant les étalages, on compare les prix, on réfléchit aux menus. Et puis, comme ça, parce qu’il faut beau, on achète des cerises bien rouges, des fraises toutes neuves, ou une botte de carottes nouvelles encore couvertes de terre. C’est printemps ! Une bonne humeur apparemment inépuisable emplit le marché : les embouteillages se dissipent en sourires, les pleurs d’enfants en grands rires, et les marchands font l’article tout en plaisantant avec leurs plus jolies clientes.
 





Et, parce qu’il fait trop beau pour rentrer chez soi, on s’attable aux petits cafés qui entourent la place, dans un fouillis de paniers, de chaises, de gens qui cherchent un peu plus de soleil, un peu plus de rires, un peu plus de ces moments heureux où nous aimons nos voisins, où nous discutons de tout et de rien avec des inconnus ; un moment d’amitié facile, de plaisanteries, de complicité dans ce repos du dimanche, d’un de ces dimanches ensoleillés de printemps où la vie a le parfum du lilas et le goût du petit noir.









   Un couple réussit à tirer deux chaises près de moi ; pleins de cabas, ils sont tout heureux de leur première visite - j’entends leurs réflexions,  bien sûr, nous bénéficions tous d’une unique grande conversation ! - à ce marché populaire. Sous la chaise du Monsieur, en bordure d’allée, s’installe leur mignon petit chien, yeux brillants, queue frétillante, qui tient bien lui aussi à profiter de cette luxueuse matinée de promenade. Une femme passe, se baisse pour le caresser ; et lui aussitôt de donner de grands coups de langue, ce qui fait rire tout le monde. 




 Commence alors un échange animé : « …mangé tous les rideaux…le nôtre… déterré la plante verte…Et les chaussures ! … » . Ravi d’entendre parler de ses exploits, le toutou se rapproche et se couche dans l’allée. Arrive le serveur. Appelé de ci de là, un autre café, un verre d’eau, deux bières, il court, il écoute, il revient, bon, parfois beaucoup plus tard, mais qui est pressé ce matin? Il transpire, ce n’est pas jour de fête pour lui, mais il garde le sourire.


  Son plateau couvert de consommations posé comme il se doit sur la paume de la main gauche, à hauteur des yeux pour ne heurter personne, il s’avance. Il se dépêche. Son pied heurte alors le chien, obstacle inattendu : il perd l’équilibre, fait quelque pas en titubant comme tiré par la chute annoncée du plateau, et, miracle de ce dimanche! se rétablit bien droit sur ses deux pieds et s’arrête. 

La terrasse a tout suivi ; quelques sourires, souvenirs de Laurel et Hardy, de Buster Keaton, suivis d’un murmure admiratif devant l’impeccable fin de ce numéro involontaire. Mais voilà que le serveur fait demi-tour vers le toutou et ses propriétaires qui prennent tous les trois l’air désolé. La terrasse suit toujours ; on se demande : va-t-il se fâcher ? Va-t-il gronder et jeter des regards noirs vers l’animal qui a failli lui faire faire un vol plané ? Tout le monde retient son souffle : ce dimanche joyeux, cette matinée lumineuse vont-ils s’obscurcir d’une querelle ? Moi à sa place, se disent certains….Quand même, quand on a une bête…




 Le serveur, sans un regard pour le couple mal à l’aise, se penche vers le chien, avec une mine affectueuse et un grand sourire et le caresse en disant : « Ah! Pauvre! J’ai failli te faire mal ! Excuse-moi… » Soupir collectif de soulagement. Gratitude devant cette gentillesse spontanée. C’est dimanche. C’est soleil.





magazine la Vie les Essentiels - Lulena

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