Traveling
Light – Voyager léger / Lumière du voyage*
Je
voyage léger ( light) , comme la lumière ( light);
c'est
à dire, aussi léger que puisse voyager un homme
qui
transporte encore son corps à cause
de
sa valeur sentimentale...
Christopher Fry
Il
y a 1200 ans en Chine, un homme d'une quarantaine d'années appelé
P'ang Yun entassa tout ce qu'il possédait dans un petit bateau et
coula le tout dans le lac Tung T'in. Après cela, nous dit-on, «
il vécut comme une feuille au vent ».
Voyez -
le dans le petit matin, barbotant au milieu du lac, regardant
s'élever du fond de l'eau les dernières bulles. L'air est froid et
serein. Le lac un peu brumeux et aussi calme que le ciel. Puis, il se
détourne et nage jusqu'à la rive.
Justine
Dalencourt, une Quaker française, fut obligée de quitter sa maison
de Fontaine- Lavaganne quand l'armée allemande envahit la France en
1914, mais, auparavant, elle fit son jardin potager, disant: «
J'aime mieux qu'ils trouvent quelque chose à manger chez moi, plutôt
que d'avoir à voler chez d'autres. »
Voyez-la,
agenouillée, plantant la dernière graine. Tapotant le sol humide.
Le chaud soleil du printemps. La riche odeur de terre montant vers
elle. L'étrange bruit de tonnerre, au loin. Puis, elle se lève,
fait demi-tour et part.
Voyager
léger – imaginez: ne pas être encombré, une façon gracieuse de
voyager comme une simple feuille.
Maintenant imaginez-en une autre:
la lumière par laquelle nous voyageons, la lumière qui montre le
chemin.
Notre lumière de voyage.
Qu'est-ce
que ça veut dire « vivre comme une feuille au vent »?
Qu'est-ce que cela voudrait dire faire de notre vie un voyage de
simplicité?
Un voyage désencombré, sans fouillis, sans confusion –
un voyage avec concentration et attention? Un voyage de légèreté
et de lumière?
Les
Quakers disent qu'une flamme divine brille à l'intérieur de chaque
être humain. Chaque être humain. Tous les êtres humains. Est-ce
qu'une telle lumière nous rappellerait qu'après avoir volé notre
maison, les soldats auront faim? Et pour voir cette Lumière
Profonde, en nous-même et dans les autres, faut-il d'abord avoir
coulé notre bateau ?
En1889,
à l'âge de 19 ans, mon grand-père quitta sa famille et ses amis de
Suède et s'embarqua pour l'Amérique. Il emballa tous ses biens
terrestres dans un petit coffre en bois.
Aujourd'hui, ce coffre est
posé près de mon bureau. Il est fait de lames de bois entourées
d'un cadre; ses charnières laissent le couvercle entrouvert. Le bois
lui-même, maintenant brisé à plusieurs endroits, a pris une teinte
foncée.
Je
regarde ce vieux coffre, et je vois un jeune fermier, la peur et le
goût de l'aventure dans ses yeux, écartant tout sauf l'essentiel,
faisant naître de l'intérieur de lui-même une simplicité
tranquille. Je le regarde monter à bord un matin brumeux et
s'éloigner vers le large.
Moi,
je n'ai pas voyagé beaucoup mais je garde dans mon grenier quelques
belles valises. Et aussi, 2 sacs à dos, 3 sacs à bandoulière, un
sac marin, un porte-documents, plusieurs fourre-tout, un sac de
camping, un panier tressé en frêne, 3 sacs de couchage et une ou
deux tentes.
Devant le coffre de bois de mon grand-père, je réalise
qu'il ne pourrait pas contenir tout ce que j'estime nécessaire pour
un pique-nique d'été.
Et, contrairement à P'ang Yun, je ne peux
imaginer où je pourrais trouver un canot assez grand pour emporter
tout ce que je possède au milieu du lac.
Évidemment, j'ai
l'intention de garder tous mes biens terrestres très loin de l'eau.
Pourquoi?
Me manque-t-il la nécessaire légèreté? La Lumière nécessaire?
*
En
anglais, le mot « light » a deux sens: 1. la lumière 2.
léger
Philip
Harden « Journeys of Simplicity »
trad. Joshin Sensei – ( Spécial Avant Cadeaux de Noël....)