Blancheur
d'automne
Pour
nous, l'automne est marron, c'est une chose entendue: marron comme la
boue qui bloque les sentiers, mais aussi comme les
délices annoncés de châtaignes à venir, saisies sur le poêle, ou
grillées sous les braises
l'automne est rouille et cassant comme
les feuilles mortes qui s'entassent au gré du vent, aspirées pour
ne pas « salir » dans les villes, ignorées, ou
collectionnées par les enfants, sur nos routes de montagne.
Sous
l'herbe jaunie, déjà apparaît la terre, brune, riche et compacte,
aux os de cailloux sans cesse renaissants – et, sous les grands
pins, autres délices: marron clair tachetés de rouge ou de blanc,
ou jaunes orangé comme un dernier éclat du soleil, les champignons
se cachent, pour être ramassés seulement par les familiers de la
forêt...
Enfin, marron triste, le petit bruit de la pluie, la pluie
encore, qui ruisselle sur les vitres: bruit d'automne!
Et
pourtant, en d'autres lieux, loin d'ici, l'automne est blanc:
brouillards qui montent du fleuve et enserrent les maisons aux toits
de chaume, brumes accrochées aux pics effilés, qui s'étendent, se
dispersent, cachent et dévoilent dans un même moment
translucides
robes, voiles diaphanes négligemment enroulés par la main de quelle
déesse – transparence des gouttes de rosée, presque invisibles
aux premières lueurs de l'aube pâle, quand dans un ciel encore gris
palpitent les dernières lueurs des étoiles-
un monde fantomatique
où se glissent des ombres, depuis longtemps disparues des creux de
nos vallons – ou qui sait...?
Car
c'est ce monde magique qui nous accueille ce matin, monde de
blancheur et de silence. Déjà disparaît le toit de la maison des
voisins, englouti par le brouillard; déjà le chemin de montagne
s'engouffre dans la brume, ne laissant que les silhouettes
étrangement déformées des grands pins, pour nous faire signe, pour
nous rassurer : le monde est encore là, il renaîtra peut-être,
plus tard, lorsque nous ne regarderons plus.
Pourquoi
l'imaginons-nous parfois triste, cet automne qui s'approche?
Il n'est
ni fin, ni début, il n'est qu'en lui-même, tout entier absorbé
dans cette goutte de pluie, complètement présent dans l'abandon de
la feuille, qui tourbillonne et se confie à la terre.
Il est
promesse aussi, promesse de repos et de recueillement, de
transformations et de mystère: ces graines qui tombent, ne
sont-elles pas vies à venir, découvertes futures, renouveau du
monde,?
Il
est exigence: il me demande, ce monde tout blanc qui m'entoure, de
voir vie et mort mêlées, de saisir en même temps ce qui fut et ce
qui sera; avec douceur, il me montre le grand rythme de l'univers,
dans lequel danse mon corps, et chacun des atomes qui le compose; il
forme, et transforme, la nature et mon âme.
Aujourd'hui,
la respiration du monde me porte et m'enveloppe, me calme et
m'apaise.
Je ne crains pas cette blancheur qui efface mes rêves de
soleil et de fleurs; je sais que, moi aussi, je dois perdre, et
retrouver, être la branche, et l'arbre et la feuille, et la terre.
Perfection
de l'automne, qui prend et donne, dans un seul mouvement.
Il
est changement - allons-nous le craindre?
Il
est beauté- saurons-nous le regarder?
Lulena La Vie Les Essentiels
buées sur les vitres,
RépondreSupprimerrosée scintillant
aux rayons du levant,
le jardin soupire...
Enfin !