Car
il y a la joie!
Il y a la joie du brin d'herbe: le vent joue
avec lui, le taquine, le frôle et il joue avec le vent, danse et se
plie, s'incline- révérence- et se relève, tout en grâce.
Il
y a la joie de la pierre: respirant au rythme des millénaires, elle
se prête au jeu de la pluie et de la neige, insouciante des saisons;
elle est solide et majestueuse, elle sera gravier, puis sable;
transformation, changement – cela même qui rythme nos corps et nos
vies.
Il
y a la joie de la rivière, filant, chantant, contournant les
obstacles, s'en jouant - transparence verte, blanche écume, reflets
du ciel...
Il
y a la joie de l'arbre: tendre vers la lumière, tout en se
blottissant de plus en plus profondément dans la pénombre de la
terre, juste équilibre; tête nue au vent, branches galopantes
d'écureuils, accueillant parfois un ou deux gamins chipeurs de
pommes ou de cerises; dépliant le velouté de ses feuilles, offrande
au printemps, générosité spontanée, totale.
Il
y a la joie de l'oiseau: boule de plumes, pattes griffues, gorge au
duvet ébouriffé, chant tout bleu dans le premier matin du monde,
monde infini tout d'espace, monde ouvert, monde à sillonner sans
laisser de traces – que ne puis-je en faire autant ...
Il
y a la joie de la pluie, qui chantonne, gronde, fredonne, choisit une
flaque, puis un toit, tambourine, abandonne, s'éloigne pour revenir
en riant nourrir le champ, et les prés, et les fleurs...
Parlons-en
des fleurs: le mot même de joie fut inventé pour elles- ou par
elles, qui sait, se penchant l'une vers l'autre, chuchotant,
couleurs et parfums mêlés, richesse de la vie sans attente, rien
qu'un éclat, un matin, une journée; fugaces et éblouissantes.
Et
lui! Qui a eu l'idée de ce soleil de joie, le dispensateur de ce
jaune éclatant qui nous égaie, nous réchauffe, et se répand
partout en ce printemps, des discrètes jonquilles aux genêts
mal-aimés, des grains de poussière qui dansent dans les fenêtres
aux étincelles qui ruissellent sur les pierres de la fontaine...?
Qui
nous offre ce bonheur, bonheur immense, bonheur fragile, chaque jour
donné; la joie qui est là, sous mon nez, mais que je n'aperçois
que, ah! de temps en temps, quand je lève les yeux, quand
j'accueille, quand je me sors de moi-même; quand, à mon tour, je
m'incline avec grâce, portée par le souffle et la lumière.
Il
y a la joie d'être monde dans le monde, corps, et oiseau, et
rivière, et la pierre et le sable, et le brin d'herbe et le vent...
Il
y a la joie de la rêverie, douce, pâle comme la nostalgie ou
brillante comme la flamme d'une bougie...
Et
il y a la joie des mots, la joie de la tête pleine d'images, si
colorées, si tentantes, si difficiles à attraper! La joie de
découvrir ce monde, l'admirer, pouvoir le dire -un peu et le
partager.
Que
dirai-je maintenant de la joie de l'amitié, du rire, de l'amour, de
la tendresse...?
La joie de l'émotion, du regard, de la présence...
Que dirai-je que vous ne sauriez pas,
que vous n'avez pas toujours
su,
aujourd'hui,
hier et demain?
Il
y a enfin la joie de cette voix qui m'appelle, qui nous appelle; voix
qui parle directement à notre cœur,
qui façonne notre silence,
qui
nous fait veilleurs au plus profond de la nuit,
et passeurs dans la
lumière de l'aube.
Françoise
Merci pour la photo de ce superbe nuage...et pardon car je ne sais plus qui me l' a envoyée ( Pierre? ) merci. Lulena
Publié dans La Vie, les Essentiels mai 2010