mercredi 25 mars 2020

Promenons-nous avec les poèmes...

...je chante comme un fou dans les montagnes...

Promenons-nous avec des poèmes, partons dans la montagne, chantons nos chants avec les poètes, trouvons la joie en leur compagnie...



Chacun a sa manie son obsession
Mon obsession à moi c'est l'écriture.
Les liens avec le monde se dissipent 
Je reste face à ma calamité.

Je vois un paysage magnifique
J'accueille des parents ou des amis
Il me vient un poème et je le chante
Émerveillé touché par quelque dieu.

Depuis que je séjourne au bord du fleuve
La moitié de mon temps va aux collines.

Quand un nouveau poème est terminé
Je pars tout seul vers les falaises à l'Est
Je me tiens adossé aux roches blanches
En m'aggripant à un cannelier vert.

Mon chant de fou réveille les ravins
Les oiseaux et les singes me regardent.

J'ai peur qu'en ville on se moque de moi
Je préfère les lieux sans trace d'homme.

Po-Chü I 



in  Ombres de Chine A Markowicz


lundi 9 mars 2020

Hotspot: Eros, Sappho, Abandon



Si vous décomposez la Grèce, à la fin vous verrez qu’il vous reste un olivier, une vigne et un bateau. Ce qui veut dire qu’avec le double, on la refait. 

Odysseas Elytis


 
προσφυγικό κέντρο Μόριας

En Europe, un hotspot est une approche européenne visant à améliorer le procédé servant à identifier, enregistrer et prendre les empreintes digitales des migrants arrivant.
Parmi les pays où se trouvent des hotspots figurent l'Italie  et la Grèce.
 
Le tout premier hotspot a été fondé en mars 2013, à Fylakio au nord de la Grèce aux abords de la frontière Turque.


 Un second a été établi en septembre 2015, il se situe sur l'île de Lesbos.



Comme langue on m’a donné de parler grec

elle est mon humble maison sur les plages sablonneuses d’Homère

mon seul souci est de mettre ma langue dans les plages sablonneuses d’Homère

la dorade et la perche

les verbes battus par les vents

avec le vert des courants céruléen

tout ce que j’ai vu flamboyant dans mes entrailles

éponges, méduses

avec les premiers mots de la Sirène

coquillages rose foncé avec leurs premiers noirs 
frissons. (Axion Esti)


 
C'est le camp de Morya - grec moderne: προσφυγικό κέντρο Μόριας-  près de Mytilène  qui est entouré de barbelés.

Ouvert en 2013 sur une ancienne base militaire, la capacité du centre est au départ de 150 places dans le but d'y accueillir des réfugiés pour une ou deux nuits, avant d'être transférés à Athènes.

En janvier 2017, 4067 réfugiés étaient détenus dans le camp de Mória d'après les chiffres de l'ONG Save The Children encore active sur place.

Les conditions de vie sur le camp dénoncées par le HCR (Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés) et les ONG sont d'autant plus alarmantes que le camp de Mória est interdit à la presse depuis les accords signés avec la Turquie en mars 2016.

Il permet de discriminer les réfugiés syriens, qui ont le droit d'être réfugié, des autres étrangers, qui sont relégués dans des zones d’immondices.








 

En Janvier 2020, ce nombre a dépassé la barre des 20 000 réfugiés. L’immense majorité d’entre eux n’ont pas accès aux infrastructures à l’intérieur du camp et son contraints de s’établir sous tentes de fortune dans l’Oliveraie, rebaptisée la “Jungle” de Moria.

Une jungle de tentes, de détritus et de boue grossit tout autour, où près d’une personne sur deux (42%) est un enfant.








De la mer Egée (Orientations 1939)


La Mer fait glisser ses baisers sur le sable caressé – Éros
la mouette offre à l’horizon

sa liberté bleue


Viennent les vagues écumantes

questionnant sans trêve l’oreille des coquillages

Qui a pris la jeune fille blonde et bronzée ? 


la brise de la mer avec son souffle transparent

fait pencher la voile du rêve


Tout au loin

Éros murmure sa promesse – Mer qui glisse. 

Odysseus Elytis


A 8 ans, certains enfants du camp de Moria remettent des couches, ne parlent plus, ne jouent plus et évitent de regarder les autres. 
D’autres refusent d’ouvrir les yeux le matin et restent dans un coin de la tente toute la journée. A Moria, il n’y a pas d’endroit pour jouer, pas d’endroit pour les enfants, pas d’école. 
Beaucoup de parents culpabilisent et se désespèrent. Pour les médecins et psychologues de MSF, il y a l’impression permanente de ne jamais pouvoir faire assez.

"Chaque jour, des parents désespérés nous amènent des enfants de moins de 10 ans qui s’arrachent les cheveux, se frappent, se jettent la tête contre les murs, se scarifient. Ce sont des enfants qui ne veulent plus vivre, des enfants qui n’ont plus d’espoir. Il faut les sortir d’ici. Pas aujourd’hui, ni demain, mais tout de suite. "           Angela Metaldi, pédo-psychologue pour MSF à Moria


Les plus mal lotis sont encore les mineurs non accompagnés. Pour eux, une ONG grecque, Metadrassi, tente de les protéger mais avec trop peu de moyens. 5 tuteurs et éducateurs spécialisés protègent 40 enfants chacun. `
Soit 200 enfants pris en charge sur les 1 060 que compte officiellement le camp.

"C’est absurde, nous sommes obligés de choisir les enfants que nous allons protéger. Souvent, ce sont les plus vulnérables, les filles ou les enfants déjà victimes de trafic sexuel, les moins de 15 ans et aussi ceux qui ont de la famille en Europe afin d’obtenir la réunification familiale. Mais on est loin du compte. Beaucoup d’enfants sont abandonnés dans ce camp de l’enfer.  "            Sevi Saridaki, tutrice et éducatrice spécialisée au sein de l’ONG Metadrasi

"Il faut reprendre la relocalisation des personnes à travers l’Europe (stoppées en 2017 ndlr). Evacuer en priorité vers des centres spécialisés ailleurs en Europe, en France par exemple, tous les enfants non accompagnés. Il y en a 5 500 en Grèce. Pour chaque pays de l’UE, cela  demande de prendre en charge 200 enfants ! Est-ce si compliqué ?"            
Laura Pappa, directrice de l’ONG grecque Metadrasi 




Érotas

1

Éros

l’archipel

et la proue de l’écume

et les mouettes de leurs rêves

Hissé sur le plus haut mat

le marin fait flotter un chant

Éros

son chant

et les horizons de ses voyages

et l’écho de sa nostalgie

sur le rocher le plus mouillé la fiancée

attend un bateau

Éros

son bateau

Et la douce nonchalance de son vent d’été

et le grand foc de son espoir

sur la plus légère ondulation une île se berce

le retour. 

Odysseus Elytis 
De la mer Egée (Orientations 1939)




Et tout en faisant ce post, je me disais, c'est facile, mélanger ainsi poèmes et horreur, mais comment faire? Comme dire ce qu'on n'a pas envie d'entendre, donner lire ce qu'on n'a pas envie de savoir?
 

Qu'ils sont là, juste à côté de nous, que nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas, que demain nous aurons des comptes à rendre sur notre inhumanité...
 

Que la Grèce est belle, et généreuse, il faut la montrer ; c'est la poésie et le don, et nous l'avons transformée en camp, en laideur en souffrances...


Que nous ne pouvons pas les critiquer, ces habitants de Lesbos, qui après avoir accueilli, aidé, soutenu les arrivants, refusent maintenant de voir leurs oliviers arrachés, leur mer souillée, leur île vide de visiteurs...Refusent de vivre, eux, jour et nuit, du matin au soir, auprès de toute cette souffrance...comment vit-on en voyant sous ces yeux des enfants mourir de froid?  Comment vit-on en entendant la plainte et la colère...En sachant qu'on ne peut rien, qu'il n'y aura pas d'aide- si, pardon, l'Europe a proposé de l'argent...de l'argent !  
  
Nous, Européens, nous les maltraitons tous, Grecs, et  Afghans, Maliens, Marocains, Palestiniens, Somaliens, Nigériens, Bengalis, Lybiens ; habitants de Lesbos et de Kos, de Samos, de Leros...tous ces noms de rêve, ces îles de vacances...

Nous les avons abandonnés dans un face à face injuste pour tous et insoutenable.




Dauphins, étendards et canonnades.
La mer si amère quelquefois à ton âme
soulevait les bateaux colorés et brillants
elle les berçait, elle les agitait, toute mauve avec des ailes blanches,
si amère quelquefois à ton âme
maintenant pleine de couleurs dans le soleil 
George Seferis,


ποικιλόθρον' ἀθανάτ' Αφρόδιτα,
παῖ Δίος δολόπλοκε, λίσσομαί σε,
μή μ' ἄσαισι μηδ' ὀνίαισι δάμνα,
πότνια, θῦμον,

Toi dont le trône étincelle, ô immortelle Aphrodite, fille de Zeus, ourdisseuse de trames, je t'implore : ne laisse pas, ô souveraine, dégoûts ou chagrins affliger mon âme...
 

Début de l'Ode à Aphrodite Sappho VIe siècle av. J.-C.

Articles et illustrations:
Wikipedia: hotspot, camp de Moria; France Culture: des milliers d'enfants pris au piège; le Monde; Medecins sans Frontières: https://www.msf.fr/communiques-presse/a-lesbos-les-autorites-grecques-refusent-de-soigner-des-enfants-gravement-malades.
oliviers-centenaires; inthenationalherald; liberation; grecevacances.



jeudi 5 mars 2020

Juste nous...


Ryokan: un prunier tout fleuri...

Dans le jardin
juste nous:
un prunier
tout fleuri
et un vieil homme 
tout vieux



Je suis allé 
jusqu'à ce village 
pour admirer les pruniers en fleurs-
mais j'ai oublié
et j'ai passé la journée
à regarder les fleurs
le long de la rivière...







Ryokan
Between the Floating Mist 

Trad. Lulena

La fin d'un blog

     Impermanence et changement...    pas facile parfois... la fin de ce blog depuis avril 2012, pour moi, un espace de liberté, un espace d...