jeudi 25 février 2021

Bientôt, nous n'aurons plus besoin que de lumière...

 




à la brève rose du ciel d'hiver
on offre ce feu de braises
qui tiendrait presque dans la main...
(cela ne veut rien dire, disent-ils, cela ne guérit rien,
ne sécherait même pas une larme...)
pourtant – voyant cela, pensant cela-
le temps d'à peine le saisir,
d'à peine être saisi
n'avons-nous pas , sans bouger,
fait un pas
au-delà des dernières larmes ?
Jacottet



Soir. Champs de lavande, par endroits couleur d’ardoise. Une grande moissonneuse avance dans un nuage de poussière. Les champs de blé : ce n’est plus du jaune, pas encore de l’ocre. Ni de l’or. C’est autre chose qu’une couleur. Les chaumes.


Ici, la lumière est aussi ferme, aussi dure, aussi éclatante que les rochers...
C’est ici qu’est né le jour, aujourd’hui.
 




  Aucun doute ici n’a lieu. Tout est debout, tout est  ferme et clair. Tout est calme...
Tout tient ensemble par des nœuds de pierre. Comme il y a très longtemps.
A cette lumière éclatante, on peut s’appuyer, s’adosser.
C’est la seule forteresse imprenable que j’aie jamais vue.
(...)
 
Laissons cela :
 
bientôt, nous n’aurons plus 
besoin que de lumière.

Jacottet L'encre serait de l'ombre




Presque rien : une lumière coulée de lune qui caresse les cailloux de la cour et allonge les arbres - puis recule, s'efface, s'ombre dans la nuit...

       Que les mots sont lourds, que l' encre est noire pour les inscrire sur la page, figés, abandonnés ; que la main est maladroite pour décrire ce qui affleure, appeler ce qui n'est pas, ou si peu, ou déjà effacé .

      Ce cœur, ce cœur si banal, si vain, voilà que tout à coup, comme touché d'un souffle, pâle vapeur dans le ciel gris – comme caressé d'une aile, hésitante encore, papillon à peine éclos mais plein de promesses de midis, d'éblouissements et d'ivresses – à peine, à peine imperceptible, cette légère palpitation, à l'improviste – et qui fait basculer notre vie, qui déchire les apparences, et brise nos faux-semblants, notre sécurité grise, tout ce qui pèse comme pierres à la bouche d'une source.
     
    Pourtant, nous avions chanté, et ri, et prié, et cherché sur tant de chemins, et parfois été aveuglés par la grande lumière.

     Mais rien, rien d'aussi bouleversant que cet instant de pur silence, d'attentes suspendues – un si petit mouvement du cœur ! Moins qu'un écho dans la poitrine d'un oisillon, plus qu'un éclair qui ouvrirait le ciel.

     Le silence peut-il frémir d'un murmure ?

   Ce presque rien, vol, envol, perte totale, aube aveugle – vécu sans résistance.
Cet abandon, plus profond qu'une blessure, plus terrifiant que la nuit - joyeux, immédiat, entier -


Lulena
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