dimanche 13 septembre 2020

Offrandes !

 




Rien que des merveilles ce matin ! Mon regard est d’abord tombé sur ce massif de delphiniums, impressionnants avec leurs hampes bleu intense, et, à leurs pieds, déjà les premières tiges frêles de capucines qui se déroulent, intrépides, ; au fond, le vieux rosier, accroché aux pierres du mur, a retrouvé l’enthousiasme de la jeunesse et croule sous les fleurs et les boutons, pendant que, toutes pimpantes, les marguerites se balancent au gré de leur petite musique.

J’étais sortie bien décidée à en finir avec tout ce qui est en retard : la cabane à bois, c’est simple, on ne peut plus y rentrer, je vais y remettre de l’ordre, ah mais ; il y a les les outils de jardin qui ont besoin d’être bichonnés, le petit bois à ranger dans des cageots et ce tas de cartons à plier et mettre dans la voiture, et ...et... mais le monde m’a stoppé dans mon élan et m’a rappelé le plus important, que j’oublie trop souvent : regarder, admirer, remercier.


 

 

 

 

 

Juste en face de la porte de la cuisine, le jardin m’a attrapée en premier ; il a été l’objet de nos soins : plantations, désherbage, toute une attention bienveillante ; nous avons encouragé ses hôtes avec des gratouillis à leurs pieds et des paroles roucoulées. Nous l’admirons d’un regard de propriétaire, c’est notre travail, notre œuvre, notre récompense.

 

 

 

 

Mais si je tourne un peu la tête, je vois la prairie, et là ! C’est une énergie incroyable, toute en vrac, en fouillis, herbes et fleurs mêlées, à qui poussera le plus haut, à qui aura plus de fleurs, à qui attrapera le premier rayon de soleil. Il y a du bleu, du jaune, du rose, et du vert, du vert qui fait du bien aux yeux et au coeur, du vert si tendre qu’on voudrait le manger, ou si éclatant qu’on voudrait le mettre dans sa poche pour le garder toujours.

Chaque printemps elle nous surprend avec des petits bouts de tiges qui se haussent du col sur une terre encore gelée, de minuscules fleurettes qui s’ouvrent sans craindre la prochaine chute de neige, puis en début d’été, elle éclate de promesses et s’abandonne, cette prairie, à la pure joie d’être, à la vie.

A la contempler, je sens quelque chose qui se dénoue en moi : nous avons passé tant de semaines à regarder le monde comme dangereux, presque hostile : oui c’est vrai, il peut l’être, mais j’avais oublié qu’il était aussi – d’abord ? - beauté, don, offrande.


Abritée entre des murs, j’avais ignoré
la force de la terre et son travail aussi vieux

 que le monde : faire renaître la vie ; enfermée, j’avais désappris le don du ciel 

sans limites qui chaque matin réveille l’espoir. J’avais perdu ce qui est la trame 

de toute existence : l’offrande continue, indispensable, invisible.

Immobile au milieu de la cour, respirant dans la grande respiration du monde, me reviennent à l’esprit comme une prière les mots d’un ces vieux moines japonais :

 « Le ciel et la terre font des offrandes. L’air, l’eau, les plantes, les animaux et les êtres humains font des offrandes. Toutes les choses se font des offrandes mutuelles. Ce n’est que dans ce cercle d’offrandes que nous pouvons vivre. »

Ce cercle d’offrandes, je le vois maintenant partout autour de moi, dans l’herbe et ses insectes, dans le petit nuage blanc qui flotte, dans les abeilles, dans notre travail aussi et celui de tous ceux et celles qui nous ont précédés ici.

Et ce moine, Kodo Sawaki, poursuit : 

«  Le monde dans lequel nous donnons et recevons est un monde magnifique et serein. »

Matin d’offrandes, matin de merveilles, un matin comme tous les matins.

 


 Lulena La Vie Les Essentiels sept.20

Photos: Lulena, Marcelo


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