première publication: le mardi 25 juin 2013 - et depuis...?
Le monde va toujours à vau-l'eau, les coccinelles se promènent encore sur les branches- mais pour combien de temps? et les prisons sont toujours pleines, ici, en RDC, en Irak, en Afrique du sud, au Mexique..etc, etc...
Indiciblement heureuse...
Tous
ceux qui m’écrivent gémissent et soupirent de la même façon. Je
ne sais rien de plus ridicule que ça. Tu ne comprends donc pas que
le désastre général est bien trop grand pour qu’on s’en
lamente ? Je peux me désoler que Mimi soit malade ou que
quelque chose n'aille pas pour toi. Mais quand le monde entier va à
vau l’eau, je peux chercher à en comprendre les raisons mais du
moment que j’ai fait mon devoir je reste calme et de bonne humeur.
Chérie,
quand on a la fâcheuse habitude de chercher des gouttelettes de
poison dans chaque fleur, on trouve, aussi longtemps qu’on vit, des
raisons de gémir.
Prends donc les choses à l’envers et cherche du miel dans chaque fleur et tu trouveras toujours des raisons d’être gaie et sereine ; et puis crois-moi le temps que je passe sous les verrous n’est pas non plus perdu. Il apparaîtra dans le grand équilibre des comptes.
Je suis d’avis que l’on doit mener la vie que l’on croit juste sans vouloir être payé comptant de la main à la main et qu’à la fin sans doute tout s’éclaircira. Sinon je m’en fiche aussi, après tout ! Je me réjouis déjà tellement de la vie ! Tous les matins j’inspecte l’état de mes fleurs sur les arbustes.
Prends donc les choses à l’envers et cherche du miel dans chaque fleur et tu trouveras toujours des raisons d’être gaie et sereine ; et puis crois-moi le temps que je passe sous les verrous n’est pas non plus perdu. Il apparaîtra dans le grand équilibre des comptes.
Je suis d’avis que l’on doit mener la vie que l’on croit juste sans vouloir être payé comptant de la main à la main et qu’à la fin sans doute tout s’éclaircira. Sinon je m’en fiche aussi, après tout ! Je me réjouis déjà tellement de la vie ! Tous les matins j’inspecte l’état de mes fleurs sur les arbustes.
Tous les jours, je rends visite à une toute petite coccinelle que je maintiens en vie depuis une semaine sur une branche, malgré le vent et le froid, dans un chaud bandage de coton ; je regarde les nuages, toujours nouveaux et toujours plus beaux.
Et au fond je ne me sens pas plus importante que cette petite coccinelle. Et dans le sentiment de cette infinie petitesse, je me sens indiciblement heureuse.
Rosa
Luxemburg, lettre de prison, le 15 mars 1917.
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