Le
don de ce jour
« Quel
est le don de ce jour?» Voilà la phrase, lue hier dans un recueil
de poèmes, qui chuchote dans ma tête ce matin.
Une réponse me
vient:
l'hiver. Oui, l'hiver est un don, un don secret. Pas un de ces
cadeaux multicolores comme l'été sait nous en faire, ni prometteurs
comme le printemps. L'hiver, lui, est un cadeau enveloppé de gris,
d'un papier terne et sans couleur; mais ayez un peu de patience, et
son coeur se révélera : blancheur.
Les
formes des arbres sculptés de neige, l'horizon qui se fond dans le
ciel, partout une brillance aux reflets bleutés, sont les premiers
cadeaux de cette matinée.
Cette
année, l'hiver nous a fait languir; il flânait, entre feuilles
mortes et branches nues. Il prenait son temps pour amasser de lourds
nuages, qu'il souffla enfin au-dessus de nos montagnes nous offrant
nuées blanches et tourbillons, comme un enfant jetterait des
confettis un jour de fête.
Et
cette blancheur se révèle riche en cadeaux à son tour! Voyons: du
fond de mon fauteuil, j'apprécie le poële bien garni. Tout à
l'heure, joues piquantes, doigts mordus par le froid, nous avons
rentré les bûches, et rempli la grande bouilloire: promesses pour
la journée! Il y aura la chaleur,
la douceur du thé et la joie de la réunion, puisqu'au fil des
heures, nous allons venir faire des pauses dans cette pièce
lumineuse et nous retrouver dans la joie du travail partagé, entre
paroles et silence.
Silence:
autre grand cadeau de l'hiver. Le poële s'active, et le bois craque;
parfois on entend, dehors, un 'Sloussshhhh » très doux: un
arbre qui hausse les épaules, notre toit qui s'ébroue, la neige est
vraiment par trop familière, descendez madame...mais ces bruits ne
sont que l'écho du silence, tout comme le son de la cloche, ou nos
chants, vite fondus
dans la grande plaine de l'hiver.
Et
nous, en retour, apaisés par ce silence, nous économisons nos mots,
nous enlevons l'inutile, nous nous entendons sans paroles. Un regard,
un sourire nous suffisent: l'hiver est le temps de l'intérieur,
du retour à soi-même, de la paix. Il est le temps de la
réconciliation à travers le geste, une tasse de thé tendue, une
chaise reculée pour laisser place à l'autre. L'hiver remet dans une
perspective plus vaste, aussi vaste que le ciel sans limites, les
tracas du quotidien.
L'hiver nous ramène à l'essentiel,
il est rencontre: je suis là, tu es là, nous sommes ensemble dans
cette traversée, traversée du temps, traversée de nous -mêmes.
Car cette blancheur est épure; cette beauté est dépouillement.
L'hiver est la saison de la perte, de l'abandon, et aussi de
l'innocence: à moi d'en saisir l'occasion. Ici, dans ce silence, je
peux abandonner tout ce qui m'encombre, tout ce que
je
porte d'un
jour à l'autre. La paix de l'hiver apprivoise mes peurs; la
blancheur infinie nous purifie avec douceur.
Au
coeur de l'hiver, sous la terre protégée par la neige même, se
prépare le printemps, le renouveau, la joie. Dans cette pièce,
devant l'infini, devant l'amitié, l'hiver m'offre de voir
l'invisible, ce qui est caché et ce qui peut germer en
moi.
Je
réalise que le tout premier cadeau de cet hiver, c'est cette
question même, que je voudrais laisser s'installer et
prendre
racine dans
mon coeur
pour ne plus l'oublier, pour chaque jour apprécier, remercier; pour
garder ma vie sur la pointe des pieds, alerte, réellement
vivante...
Regardez: « Quel est le don de ce jour? »
Poèmes
Zen éd. Vega
Photos Lulena, Maguy
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