Lettre
à Qiu Changru
J’ai
appris que vous étiez très malade, et je pense sans cesse à vous.
Si Changru venait à mourir, c’en serait fini de la littérature
dans le Sud-Est de l’empire ; comment ne pas penser à lui ?
Quant à moi, je vous assure que rien n’est plus pénible que la charge que j’exerce, aucun mot n’est assez fort pour le dire. Je suis un esclave quand je rencontre un supérieur, une courtisane quand je reçois des hôtes de passage, un boutiquier quand je m’occupe de finances ou de ravitaillement, une entremetteuse quand je transmets un avis à la population.
Une
seule journée souffle cent chauds et froids, passe du yang
au yin
et du yin
au yang. Un magistrat doit endurer à lui seul tous les penchants
vicieux du genre humain. Quelle amertume, quel poison !
Mon frère cadet a l’intention de passer par ici cet automne. Malgré sa visite, il me faudra bien rester tristement dans ma résidence, à lire. Je ne peux plus, comme naguère, emmener mes amis sur la Colline du Tigre.
Ressentez-vous
encore ces temps derniers le désir de vous promener ?
Même si le Maître du Jardin Luxuriant de Suzhou n’a pas d’argent pour traiter fastueusement ses invités, il reste du vin pour s’enivrer, du thé pour se désaltérer, le Lac Taihu, cette cuillerée d’eau, pour vagabonder, et les Monts Dongting, ces petits cailloux, pour grimper.
On
ne se sentirait ainsi pas trop malheureux, n’est-ce pas ?
Nuages
et pierres. Poèmes chinois.
Merci pour ce beau texte lu de retour de Chine, il est encore plus parlant.Anne
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