vendredi 22 février 2013

Petit moine ( suite )...

Vide face au vide...


Il est tout cabossé, ce petit moine, ou ce petit bodhisattva, on ne sait pas trop, juste une silhouette, et ce visage de boxeur sous un crâne parfait, rond et lisse.

Pas du tout les belles figures claires et sans défaut, les représentations brillantes de Kanzéon qu'on trouve dans les livres...

 
On voit ça, d'abord, ce nez écrasé, on ne sait trop s'il faut rire ou le plaindre; puis en y regardant mieux,on découvre les yeux, mi-clos, la bouche tranquille, et cet air d'être absorbé, retourné vers l'intérieur, et en même temps, ouvert, sans défense, une présence à la fois forte et fragile, la tête légèrement penchée sur le côté, comme pour mieux entendre, ce qui s'élève de l'intérieur de lui-même, comme pour mieux laisser sortir un souffle, un mot - prière et consolation-

Car la force est là aussi, dans ces mains jointes, à peine esquissées et pourtant solides, des mains qui ont touché, travaillé, souffert; des mains rassemblées maintenant pour la paix, pour l'espoir; ramenées près de son corps pour mieux être attentif, rassemblées pour l'équilibre, pour refermer le cercle.
 
Cercle fermé, mais qui n'enferme pas – il ne se protège pas, ne se replie pas; les yeux, la tête, les mains sont là pour répondre, pour aider, pour aller. Corps clos, mais entièrement vide à l'intérieur. Corps tout d'espace, à travers la présence. D'où vient une telle sensation de vide et d'espace dans un corps aussi compact?

Il est là, absolument là, et pourtant il n'y a personne. On le voit traversé, empli, ne retenant rien; à peine reste-t-il une trace, ce nez écrasé, trace de la douleur traversée.

Et peut-être faut-il qu'il y ait eu cette douleur, peut-être faut-il l'avoir traversée, s'y être consumé pour ressortir de l'autre côté, plein d'un voeu qui est aussi un cri qui résonne dans nos coeurs, un murmure qui nous rafraîchit, une parole qui nous soutient. «  Aussi innombrables que soient les êtres vivants..»

Il est comme nous, ce petit moine, ce petit bodhisattva, cassé et cabossé, pas du tout parfait; nous sommes comme lui, recueillis, silencieux, attentifs, complètement pleins, complètement vides...

Il me reconnaît, je le reconnais, 
mains jointes face aux mains jointes,
 silence face au silence, 
écoute face à l'écoute,
 vide face au vide...



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