Vide
face au vide...
Il
est tout cabossé, ce petit moine, ou ce petit bodhisattva, on ne
sait pas trop, juste une silhouette, et ce visage de boxeur sous un
crâne parfait, rond et lisse.
Pas
du tout les belles figures claires et sans défaut, les
représentations brillantes de Kanzéon qu'on trouve dans les
livres...
On
voit ça, d'abord, ce nez écrasé, on ne sait trop s'il faut rire ou
le plaindre; puis en y regardant mieux,on découvre les yeux,
mi-clos, la bouche tranquille, et cet air d'être absorbé, retourné
vers l'intérieur, et en même temps, ouvert, sans défense, une
présence à la fois forte et fragile, la tête légèrement penchée
sur le côté, comme pour mieux entendre, ce qui s'élève de
l'intérieur de lui-même, comme pour mieux laisser sortir un
souffle, un mot - prière et consolation-
Car
la force est là aussi, dans ces mains jointes, à peine esquissées
et pourtant solides, des mains qui ont touché, travaillé, souffert;
des mains rassemblées maintenant pour la paix, pour l'espoir;
ramenées près de son corps pour mieux être attentif, rassemblées
pour l'équilibre, pour refermer le cercle.
Cercle
fermé, mais qui n'enferme pas – il ne se protège pas, ne se
replie pas; les yeux, la tête, les mains sont là pour répondre,
pour aider, pour aller. Corps clos, mais entièrement vide à
l'intérieur. Corps tout d'espace, à travers la présence. D'où
vient une telle sensation de vide et d'espace dans un corps aussi
compact?
Il
est là, absolument là, et pourtant il n'y a personne. On le voit
traversé, empli, ne retenant rien; à peine reste-t-il une trace, ce
nez écrasé, trace de la douleur traversée.
Et
peut-être faut-il qu'il y ait eu cette douleur, peut-être faut-il
l'avoir traversée, s'y être consumé pour ressortir de l'autre
côté, plein d'un voeu qui est aussi un cri qui résonne dans nos
coeurs, un murmure qui nous rafraîchit, une parole qui nous
soutient. « Aussi innombrables que soient les êtres
vivants..»
Il
est comme nous, ce petit moine, ce petit bodhisattva, cassé et
cabossé, pas du tout parfait; nous sommes comme lui, recueillis,
silencieux, attentifs, complètement pleins, complètement vides...
Il
me reconnaît, je le reconnais,
mains jointes face aux mains jointes,
silence face au silence,
écoute face à l'écoute,
vide face au
vide...
..."complètement pleins, complètement vides..."
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